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The Thief and the Cobbler : le don quichotte de l'animation

The Thief and the Cobbler est un film d’animation réalisé et scénarisé par Richard Williams. Il a commencé le projet en 1950 pour ne « sortir » le film qu'en 1993 mais pas dans la version qu'il souhaitait. Celle dont il rêvait n'est jamais réellement sortie. Pourtant, son œuvre a eu une influence importante dans le milieu de l'animation.

Une œuvre marathon


Williams au travail sur le film dans les années 1960

Richard Williams est un génie de l’animation. Il a commencé à travailler dans ce milieu à la fin des années 1940 au studio United Productions of America, pour la Colombia et la télévision. Il a débuté la conception de son film, The thief and the cobbler, dès les années 1960. Il reçoit un premier Oscar en 1971 pour son court métrage d’animation A Christmas Carol, tout en continuant à avancer sur son projet. Les problèmes de financement l'empêchent de le mener à bien. Chaque film qu’il réalise apporte donc sa pierre à l'édifice.

Il se propose de coréaliser Qui veut la peau de Roger Rabbit et réalise le tour de force de réaliser la partie animation du film. Il travaille trois ans sur ce projet qui sort enfin en 1989. C’est un énorme succès. Il gagne deux Oscars. Fort de ce succès, pour obtenir de l'argent sur The Thief and the Cobbler, il montre le travail qu'il a réalisé jusqu'à présent à Disney. Il obtient alors un financement important de leur part mais n’arrive toujours pas à boucler le film.

Il obtient alors un financement de Warner Bros et après un affrontement entre les producteurs, Williams perd le contrôle créatif du projet. Il finit par le quitter et le voit être terminé à la va-vite par quelqu’un d’autre. Cette version sort finalement en 1993 en Australie et Afrique du Sud, sans son accord.

Un dernier financement de Miramax est finalement obtenu. Les frères Weinstein acceptent de financer le film mais à quel prix. Si Harvey Weinstein fait l'actualité pour l’affaire scabreuse qui porte son nom, il était alors connu pour couper et remonter les films selon son bon vouloir. Sa mouture apparaît dans les salles obscures en 1995 aux Etats-Unis. Elle a été très critiquée voire moquée pour avoir honteusement copié le film Aladin de Disney alors que son antécédence aurait dû inspirée Aladin, et non l'inverse.

Une œuvre artistique


Zigazag, Tang, Yum-Yum, One Eye (de gauche à droite et de haut en bas)

Le film se déroule au temps des Mille et une nuits, dans une cité d'or. Les trois boules d'or protégeant la ville disparaissent mystérieusement tandis qu'un guerrier borgne s'apprête à attaquer la cité. Tack, un cordonnier, et la princesse Yum-Yum décident de retrouver les boules. Ils font face à Zigzag, le vizir perfide et à un voleur malchanceux.

Chaque personnage a un graphisme et une animation très élaborés qui le font exploser à l’écran. Tack ne devait pas parler en hommage au cinéma muet. Ses sentiments passent par son visage candide et ses mouvements éthérés. Le voleur ressemble à un rat, petit, de couleur sombre. Il ne peut s’empêcher de voler tout ce qu’il voit et ses malheurs le rendent terriblement attachant. Mais le personnage qui éclipse tous les autres, c’est le vizir Zigzag. Il parle uniquement en vers. Il ne marche pas mais glisse sur le sol, tout en souplesse. On reconnait en lui le courtisan, le sournois, peureux, traître mais tout est si bien composé en lui qu’il en devient grandiose. Le méchant, One Eye, est tellement perfide qu'il en devient ridicule avec ces rangées de dents et son armée, tout pique dehors.

Les scènes et les actions nous plongent dans un monde burlesque où tout est possible. La ville est magnifiquement animée. Le côté dark-fantasy autour de l’armée du méchant nous fait penser à du Moorcock. La plus belle scène reste la course poursuite entre le cordonnier et le voleur dans un délire que n’auraient pas réfuté Salvador Dali ou Victor Vasarely, peintre des arts optiques.

Une œuvre non-terminée mais qui existe toujours


Les mains sont rajoutées en 3d sur le film classique

Une telle œuvre artistique a cependant été réalisée sous les ordres de William, perfectionniste, voire tyrannique. Il pouvait faire reprendre une scène à zéro si elle ne lui convenait pas.

Roy E. Disney était prêt à relancer la production du film pour le rendre proche de la vision de Williams mais il quitte l’entreprise en novembre 2003. A son départ, personne ne reprend le projet qui reste en suspens, prêt à ressortir des cartons.

Après l’abandon du projet par le réalisateur, le film continue pourtant sa vie. Un fan de l’œuvre, Garrett Gilchrist, a voulu le restaurer en respectant les intentions de R. Williams. Il a commencé son travail en 2006 et il a obtenu de l’aide d’anciens animateurs du projet. Il a pu obtenir le storyboard original et sur cette base, il a remonté le film, redessiné certaines scènes, conservé celles dont il ne pouvait ou voulait pas refaire le dessin. Son projet a été long et il a refait plusieurs fois le film sous le nom The Thief and the Cobbler: Recobbled Cut. Nous sommes aujourd’hui à la 4ème version sortie en 2013. Cette version est facilement trouvable sur internet.

R. Williams s’est imposé dans le monde de l’animation en sortant le livre The Animator's Survival Kit qui est devenu la bible des futurs animateurs et animatrices. Mais il est retourné travailler sur son film à la demande de Academy of Motion Picture Arts and Sciences qui a voulu archiver le film avec les morceaux manquants, complétés par des extraits de story-board qui le rapproche de la version de Garett Gilchrist. Cette version n’a été diffusée qu’à de rares occasions au MOBA ou au festival du film d’animation d’Annecy en 2015.

Mais ne désespérons pas, Terry Gilliams a mis 18 ans à sortir L'homme qui tua Don Quichotte. La vraie question serait peut-être de savoir si l’œuvre doit être véritablement terminée ou ne jamais l'être et garder ainsi son aspect sacré ?

Portrait de Honir
Honir

Fan de cinéma d'animation et d'Histoire ancienne | Rédacteur débutant

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