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NBA : le sport et les chiffres

Regardez un match de NBA et vous constaterez la précision des données chiffrées, des statistiques supposées illustrer les performances d'une équipe ou d'un joueur. Il fut un temps encore récent où le nombre de points et de rebonds par match, le pourcentage de réussite au tir à 2 et 3 points, suffisaient. Epoque révolue : vous voilà désormais informés du nombre de dribbles par possession d'un joueur, de son PER et de +/- ajusté. A cette évolution s'ajoute un constat : que de tirs à trois points. Cette saison, 50% des 84,6 tirs par match pris par les Houston Rocket sont réalisés au de-là de la ligne des trois points. La logique est implacable et au risque de commettre une lapalissade, disons qu'un tir à trois points vaut un point de plus qu'un tir à deux points... Alors, pourquoi se priver ? Ce qui est remarquable est que les schémas offensifs du coach D'Antoni et les compétences des joueurs exploitent sans vergogne cette évidence. Ce choix est chiffré, mesuré et transforme le jeu.


Moyenne par match et par équipe, 2017-18 à ce jour. Source : Basketball Reference

Comment sélectionner les joueurs qui satisfont les besoins ainsi anticipé d'une équipe ? Trois variables : le flair d'un sélectionneur expérimenté qui sait jauger talent et tempérament, les circonstances contractuelles d'un joueur et d'une équipe, les données chiffrées à disposition. Intéressons-nous à cette dernière. A regarder de près les propriétaires des équipes de la NBA, beaucoup d'entre elles appartiennent à des investisseurs liés aux technologies de l'information. En voici une liste non-exhaustive : Joe Lacob pour les Golden States Warriors (technologies médicales, internet), Alec Gores pour les Detroit Pistons (télécommunication, services industriels, médias), Michael G. Rubin pour les 76ers de Philadelphie (e-commerce), Vivek Ranadivé pour les Sacramento Kings (analytique, cloud computing), Robert J. Pera pour les Grizzlies de Memphis (telécom), Steve Ballmer pour les Clippers de Los Angeles (ex-PDG de Microsoft)...

Le sport et notamment le basketball offre une quantité infinie de métriques que les technologies d'analyse appliquées aux domaines industriels peuvent disséquer. Ces propriétaires le savent bien, eux dont l'appétit se porte naturellement sur le "Big Data". Il ne s'arrête pas à nos habitudes de consommation, au trafic routier et aux plateformes communautaires. Il s'attaque aussi à la qualité des écrans d'un pivot, à la précision d'un arrière, au repos nécessaire pour éviter les blessures, au salaire qu'un joueur peut espérer. Certaines données sont captées par les instruments biométriques portés par les joueurs. D'autres résultent de l'analyse de leur déplacement sur le terrain par une intelligence artificielle. Tout se mesure, donc tout s'analyse durant une compétition, un recrutement, un entrainement, au sein de son équipe comme chez les concurrents.

Adam Silver, le commissaire de la NBA, parle ouvertement des technologies mises à disposition des équipes pour prendre les meilleures décisions possibles et valoriser son produit : "l'analytique est l'essence même de tout ce que nous faisons maintenant", a-t-il même déclaré. La NBA étant une affaire de gros sous, des sociétés se sont créées et proposent leur service pour améliorer les performances des équipes et des joueurs. Synergy Sport Technology est l'une d'entre elles : statistiques visuelles, clips de milliers de joueurs, 50 000 matchs de basketball référencés :


Synergy Sport (source : site officiel)

Autre exemple : Second Spectrum. Son PDG en parle même sur la plateforme TED avec cette assurance qui fleure bon la Silicon Valley :

L'interface utilisateur de Second Spectrum est loin de ce que cette vidéo présente ou d'un NBA2k mais combinés avec les talents d'un infographiste, les données produites peuvent informer utilement et interactivement équipes, joueurs, médias et même les éditeurs de jeux vidéo. Autre exemple un peu plus concret de que ce Second Spectrum propose pour la collecte, le traitement et l'analyse des données sportives, notamment celles de la NBA :

Si vous n'avez pas les moyens de vous offrir de telles solutions mais souhaitez analyser les données de votre sport préféré, plusieurs options s'offrent à vous. Tout d'abord, la NBA elle-même propose des données de base et les indexes les plus populaires. Ils peuvent être filtrés par joueur ou par équipe et permettent également les comparaisons entre saisons. Prenons un exemple simple : les meilleurs rebondeurs de la ligue, à ce jour, rebonds totaux (REB) et offensifs (OREB) :

Comment expliquer les performances de Stevens Adams ? Il est excellent rebondeur offensif mais très loin du Top 5 total, avec 9,1 rebonds totaux par match en 18eme position seulement. La réponse : Russell Westbrook. Le meneur explosif des Thunders est le meilleur rebond de son équipe (9,5 par match). Cela pourrait ne pas avoir de sens si on oubliait son style de jeu et sa quête permanente des rebonds faciles et des triples doubles (attribut TD3 sur le site, 18 à ce jour, de très loin le 1er de la ligue).

Prenons un autre exemple d'indexes calculés : la cote offensif. Pour un joueur, elle exprime le nombre de points marqués par 100 possessions de ballon, donc indépendamment du nombre de minutes jouées par match. Par possession, on entend les tirs à 2 et 3 points, les lancers-francs pondérés par les tentatives ratées et les ballons perdus. Pas étonnant donc de trouver en tête de classement les joueurs précis (Stephen Curry), sélectifs (Kevin Durant) ou passant leur temps dans la raquette (Clint Capela, 84% de ses points, 69,4% de réussite à moins de 1,5m) :

Les cotes ou notations plus complexes (PER, BPM, "Win Shares"...) sont difficiles à interpréter, à moins de comprendre les formules dont elles sont issues et l'intention qu'elles illustrent. Les définitions sont disponibles dans l'une des bibles des données statistiques, Basketball Reference. D'une laideur sans nom, ce site est pourtant extrêmement bien renseigné. Il vous permet d'exporter les données vers votre tableur préféré. C'est simple, vous trouverez tout sur ce site, comme cette mesure des chances de gagner le titre de MVP ("Most Valuable Player") cette saison :


Dans Excel ou pas, James Harden a 69,3% de chance d'être déclaré MVP de la saison 2017-18

Une alternative à ce site est NBA Stuffer. Un peu moins aride, il inclut également les statistiques des arbitres et quelques représentations graphiques de cotes. A l'intersaison, si les transformations profondes des Cavaliers vous ont surpris, voici le genre d'explications que ce site offre : la cote offensive en abscisse, la cote défensive en ordonnée et la preuve visuelle que la défense des Cavs était l'une des pires de la ligue et devait être corrigée.

Autre site intéressant, NBA Savant : il offre des outils graphiques d'analyse et de comparaison de deux joueurs ou d'un même joueur entre deux saisons. On est loin des sites professionnels et il est limité aux tirs et aux rebonds. Mais tout de même, il propose des informations bien illustrées. Par exemple, si vous demandiez en quoi Ben Simmons est un meneur atypique, regardez les matchs des Sixers (leur récente victoire 116-115 face aux Bull de Chicago en est une parfaite illustration) ou observez ce graphique : des dunks, de nombreux points dans la raquette, moins de 30% de tirs en suspension et 0 à trois points, une hérésie :

La NBA est caractérisée par le plafonnement de la masse salariale des joueurs. Il impose des transferts qui vont parfois à l'encontre de ce que le bon sens pourrait suggérer. Tous les sites déjà mentionnés proposent des informations sur les salaires des équipes, des joueurs, la nature de leur contrat... Un site se spécialise dans ces données financières : Spotrac. Si vous recherchez le pivot de plus grande valeur (productivité / salaire), si vous demandez quels sont les joueurs disponibles sur le marché des transferts en fin de saison, quelles équipes disposent de la flexibilité salariale pour les acquérir, ce site est un allié précieux. Les semaines passées, les médias ont fait état de tensions entre les San Antonio Spurs et Kawhi Leonard. Il est probable qu'il ne jouera plus cette saison. La blessure dont il se plaint n'est pourtant pas avérée par l'équipe médicale des Spurs. Une autre raison du froid entre le joueur et son équipe est contractuelle : peu payé pour une star (il n'a empoché que 60 m$ en 7 ans de carrière), il est éligible pour un contrat "super max" de 5 ans / 200 m$ cet été... ou devra changer d'équipe. Incroyable quand on pense aux Spurs et la fidélité historique de leurs stars. Comme le montre Spotrac, le contrat actuel de Leonard inclut une option pour la saison 2019-20 dont il est le seul décisionnaire. Les Spurs pourraient donc le verrouiller pour 5 ans, le voir partir dans un an ou, plus certainement, le monnayer contre d'autres joueurs entre l'été 2018 et l'intersaison 2018-19.

Résumons : la NBA est une ligue pesant 5 à 6 milliards de dollars américains. De gros investisseurs sont propriétaires d'équipes majeures et leur intérêt consiste à faire fructifier au mieux leur "produit". Les outils pour analyser la multitude de données à disposition et prendre les bonnes décisions sont tout droit issus de la Silicon Valley. Et l'amour du sport dans tout cela ? Il n'est assurément pas incompatible avec les revenus lucratifs qu'espèrent la NBA, ses joueurs et l'ensemble des acteurs qui l'entourent. Il est simplement mieux calculé. Le "Big Data", c'est aussi cela : la passion prudemment jaugée par la puissance des statistiques.

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Portrait de MarquisDaily
MarquisDaily

Cinéphile, photoshoppeur et rédacteur en herbe

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